Dakar, à l’image de nombreuses métropoles africaines, est entre un dynamisme économique et des problèmes structurels liés à une urbanisation galopante. Congestion automobile, pollution atmosphérique, inégalités d’accès aux transports : le constat est sans appel. Dans ce contexte, le vélo apparaît comme une alternative prometteuse, conjuguant écologie, économie et innovation. Pourtant, son intégration dans les habitudes de mobilité des dakarois reste un défi de taille. À travers ses actions, l’association SAMA-VELO s’efforce de transformer les mentalités et de promouvoir une culture du vélo, essentielle à une mobilité urbaine durable.
1 – Un potentiel sous-estimé : le vélo, une solution d’avenir
Selon une étude menée par SAMA-VELO en 2017, une majorité de dakarois perçoivent encore le vélo comme un moyen de transport risqué et inadapté face au trafic intense. Pourtant, les avantages du vélo sont nombreux : désengorger les routes, réduire l’empreinte écologique de la ville, ou encore offrir une mobilité rapide et économique. Les nombreuses campagnes de sensibilisation menées par SAMA-VELO démontrent qu’une intégration réussie du vélo pourrait révolutionner la mobilité urbaine.
Cependant, cette ambition nécessite un profond remodelage de l’écosystème de mobilité de Dakar. Cela concerne la création d’infrastructures adaptées, mais aussi l’encouragement d’une culture cycliste forte et inclusive, où le vélo est perçu comme un acteur central et non marginal de la mobilité.
2 – Des défis persistants
A – Un manque criant d’infrastructures adaptées
Les cyclistes dakarois affrontent quotidiennement des routes saturées et peu sûres, où la cohabitation avec les voitures et les bus est source de risques. Toujours selon l’étude de SAMA-VELO en 2017, l’absence de pistes cyclables continues et sécurisées constitue le principal obstacle. Bien que le projet BRT ait intégré une piste cyclable de 7 km entre Liberté 6 et Petersen, livrée en 2024, cela reste insuffisant pour répondre aux besoins d’une population en quête de mobilité alternative. Un réseau cyclable étendu et connecté est indispensable pour offrir aux cyclistes des trajets sécurisés et fluides.
B – Une culture du vélo à bâtir
Le vélo souffre encore de stigmates sociaux à Dakar, souvent perçu comme le « transport du pauvre » ou une simple activité de loisir. Ce regard réduit freine son adoption. Le manque de sensibilisation sur ses bienfaits, qu’ils soient économiques, environnementaux ou pour la santé, aggrave la situation. Pour changer cette perception, il est essentiel de multiplier les campagnes de communication et d’éducation, et de montrer que le vélo est un moyen de transport moderne et accessible à tous.
C – Une accessibilité limitée
Si le vélo est économique à l’usage, son achat reste prohibitif pour de nombreux dakarois. Par ailleurs, l’interdiction de l’importation de vélos d’occasion au Sénégal par le décret n° 2012-444 du 12 avril 2012 complique davantage la situation. Dans un pays dépourvu de fabricants locaux, cette politique limite l’accès à un mode de transport pourtant essentiel pour une mobilité durable. À cela s’ajoute le manque d’ateliers de réparation abordables, en particulier dans les quartiers populaires. Encourager la production locale, faciliter l’importation du vélo conjuguée avec l’implantation d’ateliers solidaires pour la distribution et la réparation, pourrait constituer une avancée majeure pour démocratiser l’usage du vélo.
3 – SAMA-VELO : à la conquête des esprits et des routes
Face à ces défis, SAMA-VELO agit pour démocratiser l’utilisation du vélo à Dakar. Grâce à ses campagnes et ses initiatives, l’association s’efforce de briser les stéréotypes et de poser les bases d’un avenir cycliste prometteur.
A – Des campagnes percutantes
Avec des projets comme « Lu Meen Nek La » (« C’est bien possible »), en partenariat avec l’Ambassade des Pays-Bas, SAMA-VELO démontre que le vélo peut devenir un outil essentiel de mobilité quotidienne. À travers des témoignages, des photos et des démonstrations publiques, l’association montre que des trajets domicile-travail ou marché-école sont réalisables à vélo, en toute simplicité.
En parallèle, SAMA-VELO valorise les infrastructures existantes, comme les pistes cyclables du BRT, pour familiariser les Dakarois avec ces aménagements et en promouvoir l’usage. Ces campagnes contribuent à créer une dynamique autour de la culture du vélo, essentielle à son adoption.
B – Quelques solutions pratiques
Pour changer les habitudes, SAMA-VELO agit sur plusieurs fronts :
- L’association milite pour la construction de pistes cyclables continues et sécurisées, et l’intégration du vélo dans le futur projet RTC de restructuration des transports en commun du CETUD. Ces initiatives sont essentielles pour garantir la sécurité des cyclistes et encourager leur adoption à grande échelle ;
- Envisager des programmes de location ou de distribution de vélos à prix réduits pourrait ouvrir l’accès à des milliers de dakarois, notamment dans les zones défavorisées. Cela pourrait inclure des systèmes de vélo-partage ou des subventions à l’achat ;
- Intégrer la sécurité routière et les avantages du vélo dans les écoles ou proposer des ateliers de formation pour les adultes renforcerait la compréhension et l’adoption de ce mode de transport.
4 – Vers un avenir cyclables
L’avenir du vélo à Dakar dépend d’une coopération solide entre autorités publiques, acteurs privés et citoyens. Si ces efforts se concrétisent, les bénéfices pourront être considérables :
- La réduction des émissions de CO2 grâce à une mobilité non motorisée ;
- L’amélioration de la santé publique, en encourageant une activité physique régulière ;
- La réduction des coûts de transport pour les ménages, particulièrement dans les zones urbaines pauvres.
À terme, Dakar pourrait devenir un modèle pour d’autres villes africaines, en démontrant que des solutions locales peuvent répondre à des défis mondiaux comme le changement climatique et la congestion urbaine. En intégrant le vélo dans son écosystème de transport, la ville se rapprocherait d’un urbanisme plus durable, inclusif et respectueux de l’environnement.
Une révolution douce mais déterminante…
La promotion du vélo à Dakar est plus qu’une simple option : c’est une nécessité pour construire une ville plus vivable et durable. Des initiatives comme celles de SAMA-VELO montrent que le changement est possible, malgré les défis culturels, économiques et infrastructurels.
En combinant engagement communautaire, innovation et volonté politique, Dakar peut tracer une voie où le vélo occupe une place centrale. La route est encore longue, mais elle pourrait bientôt être parcourue à vélo, car « Lu Meen Nek La » (« c’est bien possible »).
Équipe SAMA-VELO,
Baye Cheikh SOW, Cheikh CISSE, Fatou Kiné DIOP, Décembre, 2024